03 Oct 2016
La directrice générale du FMI Christine Lagarde sera jugée à partir du 12 décembre en France pour «négligence» lorsqu'elle était ministre de l'Economie dans une affaire d'arbitrage en 2008 dont a résulté un détournement de fonds publics de plus de 400 millions d'euros, a annoncé lundi la Cour de justice de la République (CJR).
La patronne du Fonds monétaire international devra comparaître devant cette juridiction, la seule instance habilitée à statuer sur les délits imputés à des membres du gouvernement français dans l'exercice de leurs fonctions. Les faits qui lui sont reprochés sont passibles d'une peine allant jusqu'à un an de prison et 15.000 euros d'amende.
Selon une source judiciaire, les audiences pourront avoir lieu jusqu'au 20 décembre, devant les trois magistrats et les douze parlementaires, six députés et six sénateurs, qui formeront la CJR.
Christine Lagarde, qui a toujours protesté de sa bonne foi dans cette affaire, est accusée d'avoir laissé faire un arbitrage entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais aux termes duquel 403 millions d'euros avaient été accordés à l'homme d'affaires français. Cette sentence privée était destinée à régler le vieux contentieux entre celui-ci et l'ancienne banque publique sur la revente de l'équipementier sportif Adidas en 1994.
De son côté, le FMI a toujours gardé sa confiance à Christine Lagarde, qui était il y a huit ans ministre de l'Économie du président de droite Nicolas Sarkozy.
«Le conseil d'administration (...) continue d'exprimer sa confiance dans la capacité de la directrice générale de s'acquitter efficacement de ses fonctions», a déclaré lundi le porte-parole du Fonds, Gerry Rice.
Il s'agira du premier procès pénal lié à cet arbitrage aujourd'hui au coeur de lourds soupçons. En parallèle à cette procédure, les juges d'instruction ont achevé leur enquête en juin. Ils soupçonnent un «simulacre» organisé pour favoriser Bernard Tapie.
«L'intérêt public»
Six protagonistes sont mis en examen (inculpés), notamment pour escroquerie en bande organisée, dont Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne, l'un des trois arbitres, Pierre Estoup, notamment soupçonnés d'avoir dissimulé aux parties leurs liens, et l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde lorsqu'elle était au gouvernement et actuel patron de l'opérateur de télécommunications Orange, Stéphane Richard.
L'enquête a aussi posé des questions sur le rôle de l'exécutif à l'époque, car la décision de tourner le dos à la justice ordinaire et de choisir la voie arbitrale avait les faveurs de la présidence française. Convoqué par les juges d'instruction en avril en tant que témoin, Nicolas Sarkozy avait refusé de se rendre à cette convocation, arguant en particulier de son immunité présidentielle.
Au civil, la sentence arbitrale a été annulée pour «fraude» par la cour d'appel de Paris, décision confirmée par la Cour de cassation. Bernard Tapie a été condamné à rembourser les sommes perçues.
Quant à Christine Lagarde, les magistrats lui reprochent d'avoir donné des instructions pour accepter cette procédure, alors que la Cour de cassation avait annulé un an plus tôt une précédente décision favorable à Bernard Tapie. Le choix de l'arbitrage allait notamment à l'encontre de l'avis de l'Agence des participations de l'État (APE).
Dans leur arrêt de renvoi validé le 22 juillet, les magistrats de la CJR donnaient acte à Christine Lagarde d'être devenue ministre en juin 2007 alors que l'arbitrage se préparait déjà, de ne pas avoir eu de relations personnelles avec les protagonistes et de ne pas être intervenue dans le choix des trois arbitres, dont celui de Pierre Estoup, le plus controversé.
Mais ils lui reprochaient une décision «malvenue», «mal préparée» et «mal encadrée» et estimaient qu'elle avait fait preuve «d'une précipitation et d'une légèreté constitutives de graves négligences de la part d'un ministre chargé de la conduite des affaires de l'État».
Autre grief, le fait de n'avoir pas ordonné de recours contre la sentence, tombée en plein été 2008 et qui avait suscité une vive polémique, «alors qu'elle avait été informée de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation», écrivait la commission d'instruction de la CJR.
«J'ai toujours agi de bonne foi et en accord avec la loi et j'ai toujours eu l'intérêt public en tête», a réaffirmé en juillet la patronne du FMI à l'AFP.
Par Andréa Bambino
Lire sur le site lapresse.ca (12/09/2016)
La patronne du Fonds monétaire international devra comparaître devant cette juridiction, la seule instance habilitée à statuer sur les délits imputés à des membres du gouvernement français dans l'exercice de leurs fonctions. Les faits qui lui sont reprochés sont passibles d'une peine allant jusqu'à un an de prison et 15.000 euros d'amende.
Selon une source judiciaire, les audiences pourront avoir lieu jusqu'au 20 décembre, devant les trois magistrats et les douze parlementaires, six députés et six sénateurs, qui formeront la CJR.
Christine Lagarde, qui a toujours protesté de sa bonne foi dans cette affaire, est accusée d'avoir laissé faire un arbitrage entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais aux termes duquel 403 millions d'euros avaient été accordés à l'homme d'affaires français. Cette sentence privée était destinée à régler le vieux contentieux entre celui-ci et l'ancienne banque publique sur la revente de l'équipementier sportif Adidas en 1994.
De son côté, le FMI a toujours gardé sa confiance à Christine Lagarde, qui était il y a huit ans ministre de l'Économie du président de droite Nicolas Sarkozy.
«Le conseil d'administration (...) continue d'exprimer sa confiance dans la capacité de la directrice générale de s'acquitter efficacement de ses fonctions», a déclaré lundi le porte-parole du Fonds, Gerry Rice.
Il s'agira du premier procès pénal lié à cet arbitrage aujourd'hui au coeur de lourds soupçons. En parallèle à cette procédure, les juges d'instruction ont achevé leur enquête en juin. Ils soupçonnent un «simulacre» organisé pour favoriser Bernard Tapie.
«L'intérêt public»
Six protagonistes sont mis en examen (inculpés), notamment pour escroquerie en bande organisée, dont Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne, l'un des trois arbitres, Pierre Estoup, notamment soupçonnés d'avoir dissimulé aux parties leurs liens, et l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde lorsqu'elle était au gouvernement et actuel patron de l'opérateur de télécommunications Orange, Stéphane Richard.
L'enquête a aussi posé des questions sur le rôle de l'exécutif à l'époque, car la décision de tourner le dos à la justice ordinaire et de choisir la voie arbitrale avait les faveurs de la présidence française. Convoqué par les juges d'instruction en avril en tant que témoin, Nicolas Sarkozy avait refusé de se rendre à cette convocation, arguant en particulier de son immunité présidentielle.
Au civil, la sentence arbitrale a été annulée pour «fraude» par la cour d'appel de Paris, décision confirmée par la Cour de cassation. Bernard Tapie a été condamné à rembourser les sommes perçues.
Quant à Christine Lagarde, les magistrats lui reprochent d'avoir donné des instructions pour accepter cette procédure, alors que la Cour de cassation avait annulé un an plus tôt une précédente décision favorable à Bernard Tapie. Le choix de l'arbitrage allait notamment à l'encontre de l'avis de l'Agence des participations de l'État (APE).
Dans leur arrêt de renvoi validé le 22 juillet, les magistrats de la CJR donnaient acte à Christine Lagarde d'être devenue ministre en juin 2007 alors que l'arbitrage se préparait déjà, de ne pas avoir eu de relations personnelles avec les protagonistes et de ne pas être intervenue dans le choix des trois arbitres, dont celui de Pierre Estoup, le plus controversé.
Mais ils lui reprochaient une décision «malvenue», «mal préparée» et «mal encadrée» et estimaient qu'elle avait fait preuve «d'une précipitation et d'une légèreté constitutives de graves négligences de la part d'un ministre chargé de la conduite des affaires de l'État».
Autre grief, le fait de n'avoir pas ordonné de recours contre la sentence, tombée en plein été 2008 et qui avait suscité une vive polémique, «alors qu'elle avait été informée de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation», écrivait la commission d'instruction de la CJR.
«J'ai toujours agi de bonne foi et en accord avec la loi et j'ai toujours eu l'intérêt public en tête», a réaffirmé en juillet la patronne du FMI à l'AFP.
Par Andréa Bambino
Lire sur le site lapresse.ca (12/09/2016)