09 Mar 2020
En Flandre comme en Fédération Wallonie-Bruxelles, nos gouvernants n’ont toujours pas pris la pleine mesure des ambitions éducatives qu’imposent les défis sociaux, environnementaux, technologiques et culturels. Or, l’école conditionne la nature démocratique d’une société. Elle ne doit pas « adapter » les élèves à la société ou à l’économie, mais doit leur fournir des outils pour inventer et construire collectivement une société qui ne soit pas fondée sur l’inégalité et la compétition. Qui décidera de quoi demain sera fait? Quelques spécialistes ? Des puissances économiques ? Ou bien tous les citoyens ? Tel est l’enjeu.
Voilà pourquoi nous, soussignés, rejetons tant un repli sur une école inégalitaire et sélective au nom de « l’excellence » que des ambitions limitées aux «compétences de base» ou à l’accès au marché du travail.
Signez la pétition sur le site de l'APED
Voilà pourquoi nous, soussignés, rejetons tant un repli sur une école inégalitaire et sélective au nom de « l’excellence » que des ambitions limitées aux «compétences de base» ou à l’accès au marché du travail.
- Comprendre le monde dans toutes ses dimensions. On ne peut se satisfaire ni de quelques bases ni d’une spécialisation étroite. C’est pour cela que tous les élèves doivent bénéficier à la fois d’une solide formation « classique » et d’une éducation polytechnique afin de comprendre le monde dans toutes ses dimensions — historique, scientifique, technologique, économique, sociale, philosophique,… — et à travers une multitude de langages : oral, écrit, mathématique, algorithmique, artistique, corporel,…
- 15 élèves par classe en début de scolarité. Tous les élèves ou presque sont capables de recevoir cette éducation ambitieuse. Cependant, il faut donner aux enseignants le temps de les aider à construire un rapport positif au travail et aux savoirs scolaires. Pour cela, la première exigence est une réduction drastique du nombre d’élèves par classe en début de scolarité, condition sine qua non pour empêcher tout décrochage de s’installer.
- Une école ouverte. Un rapport positif à l’école suppose que celle-ci soit un lieu de vie ouvert en dehors des heures de cours et proposant une variété d’activités allant de l’aide aux devoirs jusqu’au sport, au bricolage, au jardinage, à la danse ou à la culture. Cela implique évidemment du personnel d’encadrement supplémentaire. L’école doit en outre devenir un milieu d’éducation aux valeurs de coopération et de solidarité. Elle doit aussi offrir des conditions matérielles dignes d’une société moderne : des bâtiments durables, des classes agréables, des réfectoires avec des repas sains, des lieux de détente et de travail variés.
- En finir avec les ségrégations. Le droit à l’éducation devrait impliquer l’assurance d’une école de qualité, ouverte sur la diversité sociale et ethnique, tout le contraire donc d’une école « ghetto ». Il appartient aux pouvoirs publics de proposer aux parents — sans obligation — une place garantie dans un établissement, en veillant à la fois à la proximité école-domicile et à la mixité sociale. Un tel système briserait le cercle vicieux de la ségrégation scolaire. Celle-ci est en effet, d’une part, l’une des causes essentielles des inégalités entre écoles et entre élèves d’origines différentes et, d’autre part, aux antipodes d’un projet éducatif démocratique. Ce droit vaut évidemment aussi pour les enfants porteurs d’un handicap.
- Vers un tronc commun structurel jusqu’à 15 ans. Si les mesures ci-dessus sont mises en œuvre, il sera alors possible de réduire les écarts entre élèves. On pourra dès lors s’engager sur le chemin d’un véritable « tronc commun » en retardant l’âge du choix. Mais cela supposera de séparer structurellement le secondaire inférieur des années de spécialisation en créant un premier degré secondaire autonome. D’autre part, même après 15 ans, il faudra veiller à ce que les élèves de toutes les filières continuent de bénéficier d’une solide formation générale.
- Laisser les enseignants enseigner. Les instituteurs et professeurs n’ont pas besoin qu’on leur dicte une façon d’enseigner. Ils n’ont pas besoin qu’on leur impose l’usage de technologies à la mode. Ils n’ont pas besoin qu’on multiplie à l’excès les batteries de tests standardisés. Ils n’ont pas besoin qu’on les enferme dans des contrats d’objectifs ou un « management » inspiré du secteur privé. Ce qu’ils demandent, ce sont de bonnes conditions de travail, un minimum de respect, un salaire décent, des référentiels clairs et la liberté de les mettre en œuvre au terme d’une solide formation initiale.
- Un financement suffisant et juste. Tout ceci coûte cher ? Certainement mais les enjeux l’exigent. Notre pays doit revoir les conditions de financement de son enseignement et briser les carcans où il est enfermé depuis trente ans. Faire en sorte aussi que chaque enfant, qu’il soit Flamand, Bruxellois ou Wallon, bénéficie d’une éducation de même qualité, dans les mêmes conditions.
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