02 May 2018
Au mois de juin 2017, trois associations françaises ont déposé plainte contre BNP Paribas pour « complicité de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre »concernant le rôle joué par la banque dans le génocide rwandais. L’association Sherpa, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) et Ibuka France soupçonnent la plus grosse banque française d’avoir permis le « financement de l’achat de 80 tonnes d’armes, ayant servi à la perpétration du génocide ».
Les 14 et 16 juin 1994, alors que l’ONU avait décrété un embargo sur la vente d’armes au Rwanda un mois plus tôt, la BNP a autorisé deux transferts de fonds, pour un montant total d’1,3 millions de dollars, du compte d’une de ses clientes, la Banque Nationale du Rwanda (BNR), vers un compte Suisse ouvert auprès de l’Union Bancaire Privée (UBP), un gestionnaire de fortune genevois. Le compte Suisse appartenait au sud-africain Willem Tertius Ehlers, ancien secrétaire de Pieter Botha (1er ministre d’Afrique du Sud de 1978 à 1984) et vendeur d’armes qui avait conclu le 17 juin 1994, avec Théoneste Bagosora (Il est considéré par le Tribunal pénal international pour le Rwanda comme étant la plus haute autorité militaire du Rwanda au début du génocide des Tutsis), la vente de 80 tonnes d’armes – officiellement à destination du Zaïre, afin de contourner l’embargo onusien.
La BNP ne pouvait évidemment ignorer la situation au Rwanda à l’époque et avait obligationde se renseigner auprès de sa cliente sur la destination des fonds. D’autant qu’au moins une autre banque, la Banque Bruxelles Lambert (BBL), avait auparavant déjà refusé d’organiser ce transfert en raison de l’embargo. Le détaché de la BBL au Rwanda précise : « le gouvernement rwandais avait un besoin crucial d’argent. […] Il était évident pour tout le monde qu’ils devaient acheter des armes et munitions. Le Rwanda était sous embargo ». Ainsi, selon les associations plaignantes qui s’appuient sur de « nombreux témoignages et rapports d’enquête joints à la plainte, la BNP aurait eu nécessairement connaissance de la destination des fonds et conscience que ce transfert pouvait contribuer au génocide en cours ». |1|
Il ne s’agit pas là véritablement d’une nouvelle affaire. En effet, la Suisse entre 1996 et 1998 avait déjà mené une enquête pour violation de la loi sur le matériel de guerre, au cours de laquelle la banque UBP avait fourni au gouvernement les informations concernant le compte du vendeur d’armes Ehlers. L’enquête avait conclu à la participation de ce dernier à l’organisation de vente d’armes à destination du Rwanda. |2|
L’enquête judiciaire ouverte en France pour « complicité de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre », suite au dépôt de plainte des 3 associations, prend néanmoins une autre ampleur. Indirectement, ce n’est pas BNP qui est visée, mais bien plutôt le rôle politique joué par Paris dans les semaines ayant suivi le début du génocide. Toutefois, le rôle de la banque dans cette affaire n’est pas à minimiser non plus. Les banques comme BNP Paribas qui ont financé les génocidaires et en ont tiré profit, devraient se voir retirer la licence bancaire purement et simplement. Il est inadmissible que les complices actifs des génocidaires puissent continuer le business as usual en se contentant éventuellement de payer une amende, ce qui leur permet d’échapper à une condamnation.
Par Pierre Gottiniaux (20/12/2018)
Lire sur le site de Anti-K
Les 14 et 16 juin 1994, alors que l’ONU avait décrété un embargo sur la vente d’armes au Rwanda un mois plus tôt, la BNP a autorisé deux transferts de fonds, pour un montant total d’1,3 millions de dollars, du compte d’une de ses clientes, la Banque Nationale du Rwanda (BNR), vers un compte Suisse ouvert auprès de l’Union Bancaire Privée (UBP), un gestionnaire de fortune genevois. Le compte Suisse appartenait au sud-africain Willem Tertius Ehlers, ancien secrétaire de Pieter Botha (1er ministre d’Afrique du Sud de 1978 à 1984) et vendeur d’armes qui avait conclu le 17 juin 1994, avec Théoneste Bagosora (Il est considéré par le Tribunal pénal international pour le Rwanda comme étant la plus haute autorité militaire du Rwanda au début du génocide des Tutsis), la vente de 80 tonnes d’armes – officiellement à destination du Zaïre, afin de contourner l’embargo onusien.
La BNP ne pouvait évidemment ignorer la situation au Rwanda à l’époque et avait obligationde se renseigner auprès de sa cliente sur la destination des fonds. D’autant qu’au moins une autre banque, la Banque Bruxelles Lambert (BBL), avait auparavant déjà refusé d’organiser ce transfert en raison de l’embargo. Le détaché de la BBL au Rwanda précise : « le gouvernement rwandais avait un besoin crucial d’argent. […] Il était évident pour tout le monde qu’ils devaient acheter des armes et munitions. Le Rwanda était sous embargo ». Ainsi, selon les associations plaignantes qui s’appuient sur de « nombreux témoignages et rapports d’enquête joints à la plainte, la BNP aurait eu nécessairement connaissance de la destination des fonds et conscience que ce transfert pouvait contribuer au génocide en cours ». |1|
Il ne s’agit pas là véritablement d’une nouvelle affaire. En effet, la Suisse entre 1996 et 1998 avait déjà mené une enquête pour violation de la loi sur le matériel de guerre, au cours de laquelle la banque UBP avait fourni au gouvernement les informations concernant le compte du vendeur d’armes Ehlers. L’enquête avait conclu à la participation de ce dernier à l’organisation de vente d’armes à destination du Rwanda. |2|
L’enquête judiciaire ouverte en France pour « complicité de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre », suite au dépôt de plainte des 3 associations, prend néanmoins une autre ampleur. Indirectement, ce n’est pas BNP qui est visée, mais bien plutôt le rôle politique joué par Paris dans les semaines ayant suivi le début du génocide. Toutefois, le rôle de la banque dans cette affaire n’est pas à minimiser non plus. Les banques comme BNP Paribas qui ont financé les génocidaires et en ont tiré profit, devraient se voir retirer la licence bancaire purement et simplement. Il est inadmissible que les complices actifs des génocidaires puissent continuer le business as usual en se contentant éventuellement de payer une amende, ce qui leur permet d’échapper à une condamnation.
Par Pierre Gottiniaux (20/12/2018)
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