20 Juin 2019
Expérimenté par la ville de Grande-Synthe, le RTE (revenu de transition écologique) a vocation à accélérer la transition tout en répondant à des enjeux sociaux. L’économiste et philosophe suisse Sophie Swaton, à l’origine de cette innovation, détaille son fonctionnement à La Tribune.
Damien Carême, maire de Grande-Synthe (Pas-de-Calais) - par ailleurs candidat EELV aux élections européennes du 26 mai prochain - n'en est pas à son premier coup d'essai. Quelques semaines après avoir instauré un « minimum social garanti », ce sera le premier territoire à expérimenter le RTE, ou « revenu de transition écologique. » C'est dans ce contexte que le maire et vice-président de la Communauté urbaine de Dunkerque a signé un partenariat avec la fondation suisse ZOEIN.
Cette fondation d'intérêt public a été créée en 2017 pour soutenir des activités, projets ou organismes à but non lucratif en lien avec l'enfance, les femmes ou l'environnement. Sa fondatrice, Sophie Swaton, est économiste et philosophe, maître de conférences à l'Université de Lausanne et ...à l'origine du concept, auquel elle a d'ailleurs consacré un ouvrage paru en 2018 aux Presses universitaires de France (PUF).
Celle qui a effectué sa thèse sur la lutte contre la précarité et plus précisément l'allocation universelle se montre critique envers le RSA (revenu de solidarité active), dont 50% des ayants droit ne le touchent même pas.
Loin de l'assistanat
Comme l'illustre la proposition de Benoît Hamon pour un RBI (Revenu de base inconditionnel) dans son programme pour la dernière élection présidentielle française, le sujet a récemment fait son retour sur le devant de la scène. C'est au contact de son collègue de l'Université de Lausanne, Dominique Bourg, également philosophe et spécialiste de l'environnement, que Sophie Swaton a souhaité « lier social et écologie ». L'objectif du RTE est d'offrir une garantie de revenus à toute personne investie dans des activités favorisant la transition écologique et sociale. Mais qu'on ne s'y trompe pas...
« Le RTE n'a nullement vocation à remplacer les aides sociales », insiste la jeune femme.
Loin de l'assistanat, le RTE est en effet destiné à générer de l'activité. Autre différence : il ne s'agit pas seulement d'argent, mais aussi d'accompagnement, de mise en réseau...
A Grande-Synthe par exemple, ses premières applications pourraient se trouver dans un soutien au développement d'une activité maraîchère destinée à fournir la restauration collective locale en produits bio, ou encore une entreprise de nettoyage utilisant des produits respectueux de l'environnement. Les critères définissant quelles initiatives pourront bénéficier du RTE seront définis par une Coopérative de transition écologique (CTE), réunissant les différentes parties prenantes.
Autofinancement à 50%
Le partenariat signé le 30 avril prévoit que la Fondation ZOEIN verse à la CTE de Grande-Synthe une subvention de 30.000 euros destinée à soutenir le développement des activités sélectionnées et à financer les RTE distribués. Mais l'objectif est d'attirer d'autres partenaires et de diversifier les sources de financement. « Le RTE n'est soumis à aucune condition de ressources, et vient le cas échéant en complément du revenu existant », précise encore Sophie Swaton. Il doit notamment permettre aux personnes concernées de cesser temporairement leur activité afin de pouvoir se former à la transition. Le montant du RTE est modulable, et peut être régressif, une partie du revenu généré par l'activité revenant alors dans le pot commun.
Quoi qu'il en soit, « l'objectif est qu'à horizon de cinq ans, la moitié des RTE versés soient autofinancés », par les activités développées par la CTE, notamment des prestations proposées à des entreprises. En outre, la rétribution des bénéficiaires peut également se faire en partie sous forme de don ou d'échange de temps ou de compétences, en monnaie locale, etc.
Droit à l'erreur
Le RTE ne vient pas seulement en soutien de nouvelles activités, mais a aussi vocation à soutenir des structures existantes. « Les besoins sont importants, et la fin des contrats aidés a aggravé la situation », regrette Sophie Swaton, soulignant que, ce faisant « le RTE ne créé pas de concurrence déloyale. »
« L'objectif est de multiplier les coopératives de transition écologique et les initiatives bottom-up, résume-t-elle, afin de multiplier ces aides plus girondines que jacobines. »
« On se laisse le droit à l'erreur », souligne-telle également, insistant sur les retours d'expérience et la vocation de « recherche-action » de l'initiative.
Peut-être demain en Afrique
D'autres territoires sont d'ores et déjà intéressés, où différents types de structures, notamment des Territoires zéro chômeurs, peuvent servir de moteurs, mais qui présentent un point commun : des âmes d'entrepreneurs, parfois des élus, très ancrés dans leur territoire, à l'image de Damien Carême.
Et l'intérêt ne se limite pas aux territoires français. Le caractère non stigmatisant du RTE, l'accent sur l'activité et la formation...séduisent les pays en voie de développement. C'est d'ailleurs pourquoi African Pattern, le fonds de dotation pour l'Afrique créé par l'ancienne présidente de la Fondation pour la nature et l'homme (FNH), est partenaire de la fondation ZOEIN, et pourrait bien tester le RTE au Burkina Fasso, son premier territoire d'expérimentation.
Par Dominique Pialot (publié le 03/05/2019)
A lire sur le site La Tribune
Damien Carême, maire de Grande-Synthe (Pas-de-Calais) - par ailleurs candidat EELV aux élections européennes du 26 mai prochain - n'en est pas à son premier coup d'essai. Quelques semaines après avoir instauré un « minimum social garanti », ce sera le premier territoire à expérimenter le RTE, ou « revenu de transition écologique. » C'est dans ce contexte que le maire et vice-président de la Communauté urbaine de Dunkerque a signé un partenariat avec la fondation suisse ZOEIN.
Cette fondation d'intérêt public a été créée en 2017 pour soutenir des activités, projets ou organismes à but non lucratif en lien avec l'enfance, les femmes ou l'environnement. Sa fondatrice, Sophie Swaton, est économiste et philosophe, maître de conférences à l'Université de Lausanne et ...à l'origine du concept, auquel elle a d'ailleurs consacré un ouvrage paru en 2018 aux Presses universitaires de France (PUF).
Celle qui a effectué sa thèse sur la lutte contre la précarité et plus précisément l'allocation universelle se montre critique envers le RSA (revenu de solidarité active), dont 50% des ayants droit ne le touchent même pas.
Loin de l'assistanat
Comme l'illustre la proposition de Benoît Hamon pour un RBI (Revenu de base inconditionnel) dans son programme pour la dernière élection présidentielle française, le sujet a récemment fait son retour sur le devant de la scène. C'est au contact de son collègue de l'Université de Lausanne, Dominique Bourg, également philosophe et spécialiste de l'environnement, que Sophie Swaton a souhaité « lier social et écologie ». L'objectif du RTE est d'offrir une garantie de revenus à toute personne investie dans des activités favorisant la transition écologique et sociale. Mais qu'on ne s'y trompe pas...
« Le RTE n'a nullement vocation à remplacer les aides sociales », insiste la jeune femme.
Loin de l'assistanat, le RTE est en effet destiné à générer de l'activité. Autre différence : il ne s'agit pas seulement d'argent, mais aussi d'accompagnement, de mise en réseau...
A Grande-Synthe par exemple, ses premières applications pourraient se trouver dans un soutien au développement d'une activité maraîchère destinée à fournir la restauration collective locale en produits bio, ou encore une entreprise de nettoyage utilisant des produits respectueux de l'environnement. Les critères définissant quelles initiatives pourront bénéficier du RTE seront définis par une Coopérative de transition écologique (CTE), réunissant les différentes parties prenantes.
Autofinancement à 50%
Le partenariat signé le 30 avril prévoit que la Fondation ZOEIN verse à la CTE de Grande-Synthe une subvention de 30.000 euros destinée à soutenir le développement des activités sélectionnées et à financer les RTE distribués. Mais l'objectif est d'attirer d'autres partenaires et de diversifier les sources de financement. « Le RTE n'est soumis à aucune condition de ressources, et vient le cas échéant en complément du revenu existant », précise encore Sophie Swaton. Il doit notamment permettre aux personnes concernées de cesser temporairement leur activité afin de pouvoir se former à la transition. Le montant du RTE est modulable, et peut être régressif, une partie du revenu généré par l'activité revenant alors dans le pot commun.
Quoi qu'il en soit, « l'objectif est qu'à horizon de cinq ans, la moitié des RTE versés soient autofinancés », par les activités développées par la CTE, notamment des prestations proposées à des entreprises. En outre, la rétribution des bénéficiaires peut également se faire en partie sous forme de don ou d'échange de temps ou de compétences, en monnaie locale, etc.
Droit à l'erreur
Le RTE ne vient pas seulement en soutien de nouvelles activités, mais a aussi vocation à soutenir des structures existantes. « Les besoins sont importants, et la fin des contrats aidés a aggravé la situation », regrette Sophie Swaton, soulignant que, ce faisant « le RTE ne créé pas de concurrence déloyale. »
« L'objectif est de multiplier les coopératives de transition écologique et les initiatives bottom-up, résume-t-elle, afin de multiplier ces aides plus girondines que jacobines. »
« On se laisse le droit à l'erreur », souligne-telle également, insistant sur les retours d'expérience et la vocation de « recherche-action » de l'initiative.
Peut-être demain en Afrique
D'autres territoires sont d'ores et déjà intéressés, où différents types de structures, notamment des Territoires zéro chômeurs, peuvent servir de moteurs, mais qui présentent un point commun : des âmes d'entrepreneurs, parfois des élus, très ancrés dans leur territoire, à l'image de Damien Carême.
Et l'intérêt ne se limite pas aux territoires français. Le caractère non stigmatisant du RTE, l'accent sur l'activité et la formation...séduisent les pays en voie de développement. C'est d'ailleurs pourquoi African Pattern, le fonds de dotation pour l'Afrique créé par l'ancienne présidente de la Fondation pour la nature et l'homme (FNH), est partenaire de la fondation ZOEIN, et pourrait bien tester le RTE au Burkina Fasso, son premier territoire d'expérimentation.
Par Dominique Pialot (publié le 03/05/2019)
A lire sur le site La Tribune