23 Sept 2021
Dans la cordillère des Andes, les sociétés minières endommagent irréversiblement les écosystèmes. « L’extraction du lithium affecte jour après jour notre rivière ancestrale », déplore une union de femmes des peuples diaguitas, en Argentine et au Chili. L’auteur de cette tribune se fait le porte-voix de leur inlassable combat.
Ivan Torres est un peintre mexicain vivant à Bordeaux. Ancien journaliste à Guadalajara (Mexique), il a été sollicité par le collectif des Femmes diaguitas d’Argentine pour faire connaître leur combat à la population française.
Dans les rues européennes, le vélo est devenu une alternative au trafic automobile. C’est une bonne nouvelle pour l’environnement ! Cependant, l’essor européen des vélos, trottinettes, motos et autres voitures électriques (sans oublier les batteries de téléphones portables et les microconducteurs) provoque des ravages écologiques dans d’autres régions du monde, à cause du lithium – qualifié désormais d’« or blanc ».
L’Australie, la Bolivie, le Chili et l’Argentine concentrent 87 % des réserves mondiales de lithium. Et là-bas, dans l’Altiplano andin, au cœur de la cordillère des Andes, les mines de cet or blanc endommagent irréversiblement les écosystèmes à cause des énormes quantités d’eau nécessaires à leur processus d’extraction. Les populations de ces régions (notamment en Argentine et au Chili) dénoncent depuis des années cet écocide et alertent sur les dommages que font subir les sociétés minières aux réserves aquifères et aux rivières. Certaines ont été contaminées ou asséchées. C’est le cas, dans la province d’Antofagasta, en Argentine, où le lit de la rivière Trapiche est devenu totalement sec.
« Après le passage des sociétés minières, les territoires sont sacrifiés »
Ces mines occasionnent aussi des dégâts sociaux, comme l’explique Lourdes Albornoz, porte-parole du collectif Mujeres diaguitas, ancestras del futuro (Femmes diaguitas, ancêtres du futur) : « Les gens, les communautés doivent émigrer de leurs territoires, qui sont devenus des zones sacrifiées, mortes, après le passage des sociétés minières. » Les Diaguitas sont un ensemble de peuples indépendants, vivant entre le nord-ouest de l’Argentine et l’est de la cordillère chilienne, qui furent persécutés et déportés sous la conquête espagnole. Ce sont des céramistes réputés qui vivent essentiellement de l’agriculture.
Autre conséquence sociale dramatique de l’implantation des sociétés minières, souligne Lourdes Albornoz, les effets politiques délétères des pots-de-vin versés par ces sociétés aux fonctionnaires des provinces où elles s’installent : « Cela crée un État parallèle, un État militarisé qui réprime les manifestations, où l’accès aux droits humains dépend de votre approbation de l’exploitation minière. » Sans compter que se développent dans leur entour « la pauvreté, les bordels, la traite d’êtres humains et le trafic de drogues ».
« Les femmes diaguitas se sont unies pour déposer une plainte internationale »
Depuis des années, plusieurs communautés autochtones et originelles ont dénoncé dans les assemblées socio-environnementales les dégâts que causent ces sociétés minières. Actuellement, ces communautés surveillent le débit de la rivière Los Patos (dans la province de Catamarca, en Argentine), vitale pour la vie de la région. Dans le journal local du 23 mars 2020, Lourdes Albornoz soulignait que ce combat pour la défense environnementale, sociale et culturelle est aussi un combat de femmes : « Les femmes diaguitas se sont unies pour déposer une plainte internationale. Nous sommes un mouvement autogéré. »
Les sociétés minières en cause dans ces régions de l’Altiplano andin sont les canadiennes Goldcorp, Yamana Gold et Barrick Gold, les étasuniennes Newmont et Livent, la chinoise Shandong Gold et la japonaise Mitsubishi. Du côté européen, on trouve le consortium anglosuisse Glencore International.
Le collectif Femmes diaguitas, ancêtres du futur, dénonce la gravité de la situation : « L’extraction du lithium affecte jour après jour notre rivière ancestrale, dont les affluents sont les veines qui transportent la vie dans toute la vallée. Les millions de litres d’eau souterraine extraits quotidiennement engendrent un déséquilibre hydrique important dans cette zone de sécheresse extrême. »
Pour défendre ces ressources naturelles, ces femmes ont organisé une marche de 80 kilomètres durant deux jours, les 23 et 24 avril 2021, à Andalgalá [1]. Elles ont aussi lancé une pétition en ligne sur Change.org, où elles déclarent :
« Nous, femmes appartenant aux différentes communautés diaguitas de tout le territoire andin, unies par les eaux-glaciers depuis la cordillère jusqu’à l’Argentine et au Chili aujourd’hui, lançons un appel pour que les communautés vivant au cœur du triangle conformé par les territoires bolivien, chilien et argentin nous reconnaissent et nous rejoignent pour devenir un même fleuve. »
Lourdes Albornoz explique que cette union des femmes se veut une réponse à la fois écologique et en faveur des droits humains, face à l’union des sociétés minières, et aux grands dommages qu’elles causent aux écosystèmes dans les régions andines.
Par Ivan Torres (publié le 14/06/2021)
A lire sur le site Reporterre
Ivan Torres est un peintre mexicain vivant à Bordeaux. Ancien journaliste à Guadalajara (Mexique), il a été sollicité par le collectif des Femmes diaguitas d’Argentine pour faire connaître leur combat à la population française.
Dans les rues européennes, le vélo est devenu une alternative au trafic automobile. C’est une bonne nouvelle pour l’environnement ! Cependant, l’essor européen des vélos, trottinettes, motos et autres voitures électriques (sans oublier les batteries de téléphones portables et les microconducteurs) provoque des ravages écologiques dans d’autres régions du monde, à cause du lithium – qualifié désormais d’« or blanc ».
L’Australie, la Bolivie, le Chili et l’Argentine concentrent 87 % des réserves mondiales de lithium. Et là-bas, dans l’Altiplano andin, au cœur de la cordillère des Andes, les mines de cet or blanc endommagent irréversiblement les écosystèmes à cause des énormes quantités d’eau nécessaires à leur processus d’extraction. Les populations de ces régions (notamment en Argentine et au Chili) dénoncent depuis des années cet écocide et alertent sur les dommages que font subir les sociétés minières aux réserves aquifères et aux rivières. Certaines ont été contaminées ou asséchées. C’est le cas, dans la province d’Antofagasta, en Argentine, où le lit de la rivière Trapiche est devenu totalement sec.
« Après le passage des sociétés minières, les territoires sont sacrifiés »
Ces mines occasionnent aussi des dégâts sociaux, comme l’explique Lourdes Albornoz, porte-parole du collectif Mujeres diaguitas, ancestras del futuro (Femmes diaguitas, ancêtres du futur) : « Les gens, les communautés doivent émigrer de leurs territoires, qui sont devenus des zones sacrifiées, mortes, après le passage des sociétés minières. » Les Diaguitas sont un ensemble de peuples indépendants, vivant entre le nord-ouest de l’Argentine et l’est de la cordillère chilienne, qui furent persécutés et déportés sous la conquête espagnole. Ce sont des céramistes réputés qui vivent essentiellement de l’agriculture.
Autre conséquence sociale dramatique de l’implantation des sociétés minières, souligne Lourdes Albornoz, les effets politiques délétères des pots-de-vin versés par ces sociétés aux fonctionnaires des provinces où elles s’installent : « Cela crée un État parallèle, un État militarisé qui réprime les manifestations, où l’accès aux droits humains dépend de votre approbation de l’exploitation minière. » Sans compter que se développent dans leur entour « la pauvreté, les bordels, la traite d’êtres humains et le trafic de drogues ».
« Les femmes diaguitas se sont unies pour déposer une plainte internationale »
Depuis des années, plusieurs communautés autochtones et originelles ont dénoncé dans les assemblées socio-environnementales les dégâts que causent ces sociétés minières. Actuellement, ces communautés surveillent le débit de la rivière Los Patos (dans la province de Catamarca, en Argentine), vitale pour la vie de la région. Dans le journal local du 23 mars 2020, Lourdes Albornoz soulignait que ce combat pour la défense environnementale, sociale et culturelle est aussi un combat de femmes : « Les femmes diaguitas se sont unies pour déposer une plainte internationale. Nous sommes un mouvement autogéré. »
Les sociétés minières en cause dans ces régions de l’Altiplano andin sont les canadiennes Goldcorp, Yamana Gold et Barrick Gold, les étasuniennes Newmont et Livent, la chinoise Shandong Gold et la japonaise Mitsubishi. Du côté européen, on trouve le consortium anglosuisse Glencore International.
Le collectif Femmes diaguitas, ancêtres du futur, dénonce la gravité de la situation : « L’extraction du lithium affecte jour après jour notre rivière ancestrale, dont les affluents sont les veines qui transportent la vie dans toute la vallée. Les millions de litres d’eau souterraine extraits quotidiennement engendrent un déséquilibre hydrique important dans cette zone de sécheresse extrême. »
Pour défendre ces ressources naturelles, ces femmes ont organisé une marche de 80 kilomètres durant deux jours, les 23 et 24 avril 2021, à Andalgalá [1]. Elles ont aussi lancé une pétition en ligne sur Change.org, où elles déclarent :
« Nous, femmes appartenant aux différentes communautés diaguitas de tout le territoire andin, unies par les eaux-glaciers depuis la cordillère jusqu’à l’Argentine et au Chili aujourd’hui, lançons un appel pour que les communautés vivant au cœur du triangle conformé par les territoires bolivien, chilien et argentin nous reconnaissent et nous rejoignent pour devenir un même fleuve. »
Lourdes Albornoz explique que cette union des femmes se veut une réponse à la fois écologique et en faveur des droits humains, face à l’union des sociétés minières, et aux grands dommages qu’elles causent aux écosystèmes dans les régions andines.
Par Ivan Torres (publié le 14/06/2021)
A lire sur le site Reporterre