21 Fév 2019
Un tiers de la population de la capitale n’a pas accès au réseau d’adduction d’eau. La privatisation de ces services il y a vingt ans n’a manifestement apporté aucune amélioration. Si bien qu’aujourd’hui les autorités de la ville réfléchissent à en reprendre le contrôle.
Depuis plus de vingt ans, deux sociétés privées, Aetra et PAM Lyonnaise Jaya (Palyja), une filiale du groupe Suez Environnement, jouissent d’un monopole sur la distribution de l’eau dans la capitale indonésienne. Or 3 millions d’habitants de Jakarta, soit près d’un tiers de la population de la mégalopole, n’ont toujours pas accès à l’eau courante.
Koran Tempo raconte l’histoire de Nurrahman, “un résident d’un quartier nord dont le compteur installé en 1999 par Palyja est enfoui dans une boîte en bois vermoulue reliée à des tuyaux bouchés”. Voilà peu, “un préposé de Palyja est venu relever le compteur alors qu’aucune goutte ne coule depuis des années”.
Un prix au mètre cube exorbitant
Dans un autre article, le quotidien cite les chiffres sans appel de l’administration municipale : en 2017, 59,4 % de la population était raccordée au réseau géré par les deux compagnies privées, contre 44,4 % en 1998, soit une augmentation bien modeste de 14 % en vingt ans. “Le prix de l’eau à Jakarta est également considéré comme exorbitant : 7 800 roupies [0,50 euro] par mètre cube. En comparaison, à Surabaya [la deuxième plus grande ville du pays], le mètre cube ne coûte que 2 800 roupies [0,18 euro] et 87 % des résidents sont raccordés”, précise Koran Tempo.
Trop c’est trop ! Pour mettre un terme à cette situation, le gouverneur de Jakarta, Anies Baswedan, a décidé que ses services allaient reprendre le contrôle de la distribution de l’eau, rapporte The Jakarta Post. Et ce en dépit d’un avis récent de la Cour suprême qui a rappelé que la gestion privée de ce service courait jusqu’en 2023, date de l’expiration des deux contrats.
L’approvisionnement en eau propre et potable est un droit fondamental des citoyens et c’est la priorité de l’administration municipale. La Constitution stipule que la terre, l’eau et les ressources naturelles doivent être contrôlées par l’État pour l’intérêt du peuple”, s’est justifié Anies Baswedan lors d’une conférence de presse à la mairie de Jakarta le 11 février.
Cela dit, après avoir retourné la question dans tous les sens, les juristes de la capitale sont parvenus à la conclusion qu’une rupture de contrat s’accompagnerait du versement de 71,4 millions de dollars d’indemnités. Sans compter qu’une telle décision serait certainement préjudiciable au climat des affaires à Jakarta.
The Jakarta Post mentionne les trois propositions imaginées par Nila Ardhinaie, membre de l’équipe :“L’administration de Jakarta pourrait racheter les actions d’Aetra et de Palyja, négocier un nouvel accord avec les deux entreprises qui inclurait la résiliation du contrat ou, dernière option : prendre en charge certains services avant 2023.”
Initiative citoyenne
Une première tentative de rachat de la majorité des actions de Palyja avait déjà été envisagée en 2013, rappelle Koran Tempo. “Le maire de l’époque, Joko Widodo [actuel président indonésien], avait en effet débloqué 650 milliards de roupies [40 millions d’euros]. Mais la transaction n’a pas abouti parce que l’administration a finalement décidé de consacrer ces fonds à d’autres chantiers.”
La même année, la Coalition des habitants de Jakarta avait intenté une action en justice contre la privatisation de l’eau. “Après une longue bataille juridique, précise The Jakarta Post, la Cour suprême s’était prononcée en faveur de la Coalition. Mais le ministère des Finances a contesté en mars 2018 cette décision et la même cour est revenue sur son premier avis en novembre.”
Si Koran Tempo approuve l’idée de confier à nouveau la gestion de l’eau aux pouvoirs publics, le quotidien craint toutefois que, “sans gestion transparente et professionnelle”, il n’y ait aucune amélioration des services pour les habitants de la capitale.
Par Courrier Internationnal (publié le 13/02/2019)
A lire sur le site Europe Solidaire Sans Frontières
Depuis plus de vingt ans, deux sociétés privées, Aetra et PAM Lyonnaise Jaya (Palyja), une filiale du groupe Suez Environnement, jouissent d’un monopole sur la distribution de l’eau dans la capitale indonésienne. Or 3 millions d’habitants de Jakarta, soit près d’un tiers de la population de la mégalopole, n’ont toujours pas accès à l’eau courante.
Koran Tempo raconte l’histoire de Nurrahman, “un résident d’un quartier nord dont le compteur installé en 1999 par Palyja est enfoui dans une boîte en bois vermoulue reliée à des tuyaux bouchés”. Voilà peu, “un préposé de Palyja est venu relever le compteur alors qu’aucune goutte ne coule depuis des années”.
Un prix au mètre cube exorbitant
Dans un autre article, le quotidien cite les chiffres sans appel de l’administration municipale : en 2017, 59,4 % de la population était raccordée au réseau géré par les deux compagnies privées, contre 44,4 % en 1998, soit une augmentation bien modeste de 14 % en vingt ans. “Le prix de l’eau à Jakarta est également considéré comme exorbitant : 7 800 roupies [0,50 euro] par mètre cube. En comparaison, à Surabaya [la deuxième plus grande ville du pays], le mètre cube ne coûte que 2 800 roupies [0,18 euro] et 87 % des résidents sont raccordés”, précise Koran Tempo.
Trop c’est trop ! Pour mettre un terme à cette situation, le gouverneur de Jakarta, Anies Baswedan, a décidé que ses services allaient reprendre le contrôle de la distribution de l’eau, rapporte The Jakarta Post. Et ce en dépit d’un avis récent de la Cour suprême qui a rappelé que la gestion privée de ce service courait jusqu’en 2023, date de l’expiration des deux contrats.
L’approvisionnement en eau propre et potable est un droit fondamental des citoyens et c’est la priorité de l’administration municipale. La Constitution stipule que la terre, l’eau et les ressources naturelles doivent être contrôlées par l’État pour l’intérêt du peuple”, s’est justifié Anies Baswedan lors d’une conférence de presse à la mairie de Jakarta le 11 février.
Cela dit, après avoir retourné la question dans tous les sens, les juristes de la capitale sont parvenus à la conclusion qu’une rupture de contrat s’accompagnerait du versement de 71,4 millions de dollars d’indemnités. Sans compter qu’une telle décision serait certainement préjudiciable au climat des affaires à Jakarta.
The Jakarta Post mentionne les trois propositions imaginées par Nila Ardhinaie, membre de l’équipe :“L’administration de Jakarta pourrait racheter les actions d’Aetra et de Palyja, négocier un nouvel accord avec les deux entreprises qui inclurait la résiliation du contrat ou, dernière option : prendre en charge certains services avant 2023.”
Initiative citoyenne
Une première tentative de rachat de la majorité des actions de Palyja avait déjà été envisagée en 2013, rappelle Koran Tempo. “Le maire de l’époque, Joko Widodo [actuel président indonésien], avait en effet débloqué 650 milliards de roupies [40 millions d’euros]. Mais la transaction n’a pas abouti parce que l’administration a finalement décidé de consacrer ces fonds à d’autres chantiers.”
La même année, la Coalition des habitants de Jakarta avait intenté une action en justice contre la privatisation de l’eau. “Après une longue bataille juridique, précise The Jakarta Post, la Cour suprême s’était prononcée en faveur de la Coalition. Mais le ministère des Finances a contesté en mars 2018 cette décision et la même cour est revenue sur son premier avis en novembre.”
Si Koran Tempo approuve l’idée de confier à nouveau la gestion de l’eau aux pouvoirs publics, le quotidien craint toutefois que, “sans gestion transparente et professionnelle”, il n’y ait aucune amélioration des services pour les habitants de la capitale.
Par Courrier Internationnal (publié le 13/02/2019)
A lire sur le site Europe Solidaire Sans Frontières