01 Fév 2021
Alors que l’Assemblée nationale vient d’examiner la première partie du projet de loi de finances pour 2021, Greenpeace propose l’instauration d’un impôt sur la fortune (ISF) « climatique ». Soit une taxation des riches qui prenne en compte les émissions de CO2 renforcées par leurs placements financiers. Une vision plus écologique et sociale de l’impôt. Il serait surprenant que le gouvernement l’accepte.
Fin de la première étape du marathon budgétaire, ce mardi 20 octobre à l’Assemblée nationale. Après une semaine de discussions au pas de course, les députés vont voter la partie « recettes » du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Sans surprise, sur la ligne d’arrivée, les grands gagnants sont… les plus riches. « Le PLF continue à avantager les ménages aisés et les entreprises, constataient des économistes « atterrés » dans une note publiée le 13 octobre. Les premiers profitent de la suppression de la taxe d’habitation, tandis que les secondes enregistrent une réduction des impôts de production et la poursuite de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés. Aucune mesure importante n’aide les travailleurs précaires et les ménages les plus pauvres. » La justice sociale attendra, ainsi que la transition écologique : ce budget reste en effet « largement décevant d’un point de vue écologique et insuffisant pour respecter les budgets carbone de la France », analysait la semaine dernière le réseau Action climat.
Il est pourtant une mesure qui aurait permis de réajuster le tir : la création d’un impôt sur la fortune (ISF) « climatique ». L’idée, portée par Greenpeace, est simple : rétablir l’ISF — supprimé en 2017 par Emmanuel Macron — et y adjoindre « une composante carbone appliquée au patrimoine financier des ménages assujettis », selon le rapport de l’organisation à ce sujet. Concrètement, il s’agirait de calculer les émissions de CO2 émises par les placements détenus par les ménages, et de leur appliquer la taxe carbone, qui s’élève actuellement à 44,6 euros par tonne de CO2 émise (tCO2eq). Le rapport donne l’exemple d’une personne déclarant un patrimoine de 2,25 millions d’euros. Selon le barème de l’ISF « classique », elle paierait 15.750 euros d’impôt. Avec la version « climatique », à ce montant s’ajouterait une « composante carbone », de l’ordre de 8.400 euros pour un patrimoine financier émettant 190 tonnes de carbone.
Un « cas type » détaillé par Greenpeace.
« Cette mesure se base sur un principe irréfutable : plus on est riches, plus on pollue, explique Clément Sénéchal, de Greenpeace. Non seulement par leur mode de vie, mais aussi par leur patrimoine financier. » Détenir des actions ou des produits d’épargne n’est en effet pas sans impact sur le climat. Posséder des actions BNP Paribas revient à investir dans des actifs fossiles, notamment du charbon, comme l’avait expliqué un rapport des Amis de la terre et d’Oxfam, en 2018. « Les plus riches ont non seulement plus d’argent à placer, mais ils ont aussi tendance à effectuer des placements plus émetteurs, précise M. Sénéchal. Ils prennent plus de risques — parce qu’ils ont les moyens d’assumer des risques plus juteux — et investissent donc plus en actions, lesquelles sont en moyenne beaucoup plus émettrices que les autres placements. » D’après l’institut Carbone 4, 1 € placé en actions cotées émet 315 gCO2eq/an alors que le même euro placé dans un produit d’épargne classique — qui représentent souvent l’essentiel du patrimoine financier des plus pauvres — émet 213 gCO2eq/an. Conclusion tirée par Greenpeace : « le patrimoine financier moyen des 1 % des ménages avec les plus hauts revenus émet 66 fois plus de gaz à effet de serre que celui des 10 % des ménages avec les revenus les plus faibles ».
Cette mesure pourrait rapporter 10 milliards d’euros par an à l’État, dont 4,3 milliards via la composante carbone, « soit un peu plus que le déficit annuel d’investissements publics dans la transition énergétique, au regard des objectifs climatiques, estimé entre sept et neuf milliards », selon l’organisation écolo. « Il est urgent d’avoir une fiscalité qui réduise les inégalités et donne des outils pour lutter contre le changement climatique, abonde Raphaël Pradeau, économiste et porte-parole d’Attac. Cette proposition d’ISF climatique va donc tout à fait dans le bon sens. » Autrement dit, cela permettrait de faire d’une pierre trois coups : augmenter le budget de la transition écologique, inciter les plus aisés à « mieux investir » et rétablir un système d’imposition plus équitable. D’après l’OFCE, à cause des mesures fiscales de l’ère Macron, les 5 % des Français les plus pauvres devraient voir leur niveau de vie se réduire d’environ 240 euros par an, tandis que les 5 % les plus riches le verraient grimper de 2.905 euros annuels.
À l’Assemblée, le rétablissement de l’ISF a été balayé d’un revers de main la semaine dernière — la question d’un ISF climatique n’a même pas été abordée. Il reste encore deux mois avant l’adoption définitive du budget : Greenpeace espère que certains députés s’empareront de cette proposition. Mais pour Raphaël Pradeau, « on peut douter de la volonté de Macron de renier son ADN même. Il a été élu pour mener une politique favorable aux plus riches, et il y a fort à parier que ces derniers seront les premiers contributeurs de sa campagne électorale de 2022. Il n’a aucun intérêt à modifier son cap d’ici là. »
Par Lorène Lavocat (publié le 20/10/2020)
A lire sur le site Reporterre
Fin de la première étape du marathon budgétaire, ce mardi 20 octobre à l’Assemblée nationale. Après une semaine de discussions au pas de course, les députés vont voter la partie « recettes » du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Sans surprise, sur la ligne d’arrivée, les grands gagnants sont… les plus riches. « Le PLF continue à avantager les ménages aisés et les entreprises, constataient des économistes « atterrés » dans une note publiée le 13 octobre. Les premiers profitent de la suppression de la taxe d’habitation, tandis que les secondes enregistrent une réduction des impôts de production et la poursuite de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés. Aucune mesure importante n’aide les travailleurs précaires et les ménages les plus pauvres. » La justice sociale attendra, ainsi que la transition écologique : ce budget reste en effet « largement décevant d’un point de vue écologique et insuffisant pour respecter les budgets carbone de la France », analysait la semaine dernière le réseau Action climat.
Il est pourtant une mesure qui aurait permis de réajuster le tir : la création d’un impôt sur la fortune (ISF) « climatique ». L’idée, portée par Greenpeace, est simple : rétablir l’ISF — supprimé en 2017 par Emmanuel Macron — et y adjoindre « une composante carbone appliquée au patrimoine financier des ménages assujettis », selon le rapport de l’organisation à ce sujet. Concrètement, il s’agirait de calculer les émissions de CO2 émises par les placements détenus par les ménages, et de leur appliquer la taxe carbone, qui s’élève actuellement à 44,6 euros par tonne de CO2 émise (tCO2eq). Le rapport donne l’exemple d’une personne déclarant un patrimoine de 2,25 millions d’euros. Selon le barème de l’ISF « classique », elle paierait 15.750 euros d’impôt. Avec la version « climatique », à ce montant s’ajouterait une « composante carbone », de l’ordre de 8.400 euros pour un patrimoine financier émettant 190 tonnes de carbone.
Un « cas type » détaillé par Greenpeace.
« Cette mesure se base sur un principe irréfutable : plus on est riches, plus on pollue, explique Clément Sénéchal, de Greenpeace. Non seulement par leur mode de vie, mais aussi par leur patrimoine financier. » Détenir des actions ou des produits d’épargne n’est en effet pas sans impact sur le climat. Posséder des actions BNP Paribas revient à investir dans des actifs fossiles, notamment du charbon, comme l’avait expliqué un rapport des Amis de la terre et d’Oxfam, en 2018. « Les plus riches ont non seulement plus d’argent à placer, mais ils ont aussi tendance à effectuer des placements plus émetteurs, précise M. Sénéchal. Ils prennent plus de risques — parce qu’ils ont les moyens d’assumer des risques plus juteux — et investissent donc plus en actions, lesquelles sont en moyenne beaucoup plus émettrices que les autres placements. » D’après l’institut Carbone 4, 1 € placé en actions cotées émet 315 gCO2eq/an alors que le même euro placé dans un produit d’épargne classique — qui représentent souvent l’essentiel du patrimoine financier des plus pauvres — émet 213 gCO2eq/an. Conclusion tirée par Greenpeace : « le patrimoine financier moyen des 1 % des ménages avec les plus hauts revenus émet 66 fois plus de gaz à effet de serre que celui des 10 % des ménages avec les revenus les plus faibles ».
Cette mesure pourrait rapporter 10 milliards d’euros par an à l’État, dont 4,3 milliards via la composante carbone, « soit un peu plus que le déficit annuel d’investissements publics dans la transition énergétique, au regard des objectifs climatiques, estimé entre sept et neuf milliards », selon l’organisation écolo. « Il est urgent d’avoir une fiscalité qui réduise les inégalités et donne des outils pour lutter contre le changement climatique, abonde Raphaël Pradeau, économiste et porte-parole d’Attac. Cette proposition d’ISF climatique va donc tout à fait dans le bon sens. » Autrement dit, cela permettrait de faire d’une pierre trois coups : augmenter le budget de la transition écologique, inciter les plus aisés à « mieux investir » et rétablir un système d’imposition plus équitable. D’après l’OFCE, à cause des mesures fiscales de l’ère Macron, les 5 % des Français les plus pauvres devraient voir leur niveau de vie se réduire d’environ 240 euros par an, tandis que les 5 % les plus riches le verraient grimper de 2.905 euros annuels.
À l’Assemblée, le rétablissement de l’ISF a été balayé d’un revers de main la semaine dernière — la question d’un ISF climatique n’a même pas été abordée. Il reste encore deux mois avant l’adoption définitive du budget : Greenpeace espère que certains députés s’empareront de cette proposition. Mais pour Raphaël Pradeau, « on peut douter de la volonté de Macron de renier son ADN même. Il a été élu pour mener une politique favorable aux plus riches, et il y a fort à parier que ces derniers seront les premiers contributeurs de sa campagne électorale de 2022. Il n’a aucun intérêt à modifier son cap d’ici là. »
Par Lorène Lavocat (publié le 20/10/2020)
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