07 Oct 2017
Le Japon est sans nul doute le pays le plus sécurisant du monde. La criminalité y est proche du zéro absolu et les meurtres par armes à feu sont pratiquement inexistants. Ceci n’est pas le fruit du hasard mais d’une politique visiblement efficace menée depuis plus de 300 ans…
Alors que le débat sur la législation des armes à feu refait régulièrement surface aux États-Unis au gré de fusillades tragiques, le Japon est très loin de partager les mêmes interrogations. En effet, en 2014, le nombre de personnes mortes par balle s’élevait à 6 dans l’Archipel lorsqu’on en déplorait 33 599 au pays de l’Oncle Sam dans le même temps. Un contraste saisissant qui nait d’une culture des armes différente mais surtout d’une législation extrêmement stricte.
Là où le second amendement de la Constitution américaine garantit à ses citoyens la liberté de porter une arme, la Constitution japonaise, pourtant calquée depuis la fin de la guerre sur celle des États-Unis, décrète que nul n’a le droit de posséder une arme à feu ou un sabre. S’il existe quelques exceptions, cette restriction inscrite depuis longtemps dans la loi et la société japonaise. Là où les amoureux des armes considèrent que ce n’est pas l’arme qui fait le crime mais celui qui l’utilise, le Japon est plus pragmatique : pas d’arme, pas de meurtre. Et ça marche !
Pendant ce temps aux USA… Une politique de prévention radicale
Car historiquement, le Japon est le premier pays au monde à avoir légiféré sur la possession d’armes à feu et à avoir incité ses compatriotes à s’en passer : dès 1685 les japonais étaient invités à venir déposer leur(s) arme(s) à feu contre une récompense. À ce sujet, Iain Overton, directeur de l’ONG Action On Arm Violence, déclare : « Dès que les pistolets ont fait leur entrée dans le pays, le Japon a mis en place une loi très stricte. C’est la première nation à avoir imposé des règles sur les pistolets dans le monde entier; et je crois que ça a mené à une civilisation croyant fondamentalement que les armes à feu n’avaient pas de rôle à jouer dans la société civile ». Pour lui, le degré de violence d’une société est en corrélation directe avec le nombre d’armes en circulation, corroborant toutes les observations faites à ce sujet.
« La première nation à avoir imposé des règles sur les pistolets dans le monde. »
Il en a résulté quelques siècles plus tard une société où la pègre préfère soit se munir d’armes blanche, soit dissimuler leur arme à feu à l’intérieur d’un thon congelé… Même les policiers n’étaient pas armés jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, privilégiant les arts martiaux (ceux-ci gagnaient leur ceinture noire de judo et s’entraînent au kendo). Mais l’interdiction pure et simple des armes à feu n’est pas la seule explication à un taux d’homicide aussi bas : la cohésion sociale, le fort sentiment d’appartenir à une communauté où chacun doit jouer son rôle pour le bien-être de tous sont autant de facteurs déterminants en matière de criminalité comme de stabilité sociale.
Bilan : Le nombre d’armes à feu s’établit à 0,6 pour 1000 habitants au Japon contre 6,2 au Royaume-Uni et plus de 88,8 aux États-Unis pour 100 habitants ! Selon certaines sources, il y a désormais plus d’armes que d’habitants aux USA. Ainsi, le nombre annuel de morts par arme à feu dans tout le Japon est égal à celui d’une seule tuerie comme en connait l’Amérique plusieurs fois chaque année, parfois même chaque semaine. La moyenne tourne à 12 décès par an, et le record annuel fut de 22 morts par armes à feu en 2007; chiffre qui a d’ailleurs déclenché une vive polémique dans l’archipel ! Inimaginable ailleurs dans le monde.
La violence engendre de la violence
D’après le journaliste Anthony Berteaux : « Répondre à la violence par la violence n’est pas la solution, on se doit de toujours la faire baisser. Seulement six coups de feu ont été tirés par la police japonaise [en 2015]. Pour calmer une personne violente ou ivre les policiers l’enroulent dans un futon pour la protéger le temps qu’elle se calme. ». Ainsi, dans une approche psychosociale, la police japonaise admet et comprend qu’une personne peut ne pas être momentanément dans un état normal (boisson, crise, énervement, dépression, folie,…). Impossible pour elle de se fournir en armes pour assouvir une quelconque pulsion de carnage. On pense d’abord, on tire après. À ce sujet, Iain Oberton renchérit : « Si les policiers dégainent au premier crime venu, alors on va dans une course aux armements entre la police et les criminels ».
De fait, si posséder une arme de poing peut mener en prison pour un à dix ans au Japon, sont tout de même autorisés les fusils de chasse sous condition strictes, en plus des répliques d’armes à air comprimé. On en compterait 300 000. Les rares à vouloir se procurer un fusil de chasse doivent se livrer à un véritable parcours administratif du combattant. Le candidat se doit d’avoir un casier judiciaire strictement vierge évidemment. Il doit se soumettre à une journée de formation, passer un examen écrit et pratique en réussissant 95% des tirs. La santé mentale est également évaluée, la consommation de drogue dépistée et des liens avec d’éventuels groupes extrémistes recherchés. Les proches et même les collègues de travail sont passés au crible. Et ces tests sont à repasser tous les trois ans ! Autant dire qu’un individu épris de folie meurtrière ne pourra pas se rendre au magasin du coin pour y acheter une arme létale de guerre, comme c’est le cas dans certains États américains.
« Dans une société pacifique, les gens ne voient pas l’intérêt de s’armer au risque d’ébranler cette paix. »
Une fois en possession d’une arme, des obligations tout aussi draconiennes s’imposent : celle-ci doit être conservée sous clé et séparée des munitions. La police contrôle l’arme chaque année et, en cas de manquement, elle peut la saisir et révoquer le permis de port. Pour se procurer des munitions chez un armurier (dont le nombre est fixé à trois par préfecture), le détenteur doit y ramener les cartouches usagées qu’il y avait précédemment achetées.
Moralité, cette politique porte si bien ses fruits qu’aucune réclamation d’assouplissement de ces règles strictes n’émane d’aucun bord, même à l’extrême droite conservatrice, confie Anthony Berteaux : « Cela provient du pacifisme qui s’est développé après la Seconde Guerre Mondiale dont les japonais ne veulent pas revivre les atrocités. Dans une société pacifique, les gens ne voient l’intérêt de s’armer au risque d’ébranler cette paix ». Alors qu’à l’autre bout du monde, Donald Trump a promis de revenir sur l’interdiction des armes dans certaines zones ou encore d’assouplir les contrôles pour les acheteurs, l’archipel nippon semble très loin de ces polémiques qui coutent pourtant chaque année la vie de milliers d’individus.
Par Stéphanie Barret
A lire sur japanization.org (03/10/2017)
Alors que le débat sur la législation des armes à feu refait régulièrement surface aux États-Unis au gré de fusillades tragiques, le Japon est très loin de partager les mêmes interrogations. En effet, en 2014, le nombre de personnes mortes par balle s’élevait à 6 dans l’Archipel lorsqu’on en déplorait 33 599 au pays de l’Oncle Sam dans le même temps. Un contraste saisissant qui nait d’une culture des armes différente mais surtout d’une législation extrêmement stricte.
Là où le second amendement de la Constitution américaine garantit à ses citoyens la liberté de porter une arme, la Constitution japonaise, pourtant calquée depuis la fin de la guerre sur celle des États-Unis, décrète que nul n’a le droit de posséder une arme à feu ou un sabre. S’il existe quelques exceptions, cette restriction inscrite depuis longtemps dans la loi et la société japonaise. Là où les amoureux des armes considèrent que ce n’est pas l’arme qui fait le crime mais celui qui l’utilise, le Japon est plus pragmatique : pas d’arme, pas de meurtre. Et ça marche !
Pendant ce temps aux USA… Une politique de prévention radicale
Car historiquement, le Japon est le premier pays au monde à avoir légiféré sur la possession d’armes à feu et à avoir incité ses compatriotes à s’en passer : dès 1685 les japonais étaient invités à venir déposer leur(s) arme(s) à feu contre une récompense. À ce sujet, Iain Overton, directeur de l’ONG Action On Arm Violence, déclare : « Dès que les pistolets ont fait leur entrée dans le pays, le Japon a mis en place une loi très stricte. C’est la première nation à avoir imposé des règles sur les pistolets dans le monde entier; et je crois que ça a mené à une civilisation croyant fondamentalement que les armes à feu n’avaient pas de rôle à jouer dans la société civile ». Pour lui, le degré de violence d’une société est en corrélation directe avec le nombre d’armes en circulation, corroborant toutes les observations faites à ce sujet.
« La première nation à avoir imposé des règles sur les pistolets dans le monde. »
Il en a résulté quelques siècles plus tard une société où la pègre préfère soit se munir d’armes blanche, soit dissimuler leur arme à feu à l’intérieur d’un thon congelé… Même les policiers n’étaient pas armés jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, privilégiant les arts martiaux (ceux-ci gagnaient leur ceinture noire de judo et s’entraînent au kendo). Mais l’interdiction pure et simple des armes à feu n’est pas la seule explication à un taux d’homicide aussi bas : la cohésion sociale, le fort sentiment d’appartenir à une communauté où chacun doit jouer son rôle pour le bien-être de tous sont autant de facteurs déterminants en matière de criminalité comme de stabilité sociale.
Bilan : Le nombre d’armes à feu s’établit à 0,6 pour 1000 habitants au Japon contre 6,2 au Royaume-Uni et plus de 88,8 aux États-Unis pour 100 habitants ! Selon certaines sources, il y a désormais plus d’armes que d’habitants aux USA. Ainsi, le nombre annuel de morts par arme à feu dans tout le Japon est égal à celui d’une seule tuerie comme en connait l’Amérique plusieurs fois chaque année, parfois même chaque semaine. La moyenne tourne à 12 décès par an, et le record annuel fut de 22 morts par armes à feu en 2007; chiffre qui a d’ailleurs déclenché une vive polémique dans l’archipel ! Inimaginable ailleurs dans le monde.
La violence engendre de la violence
D’après le journaliste Anthony Berteaux : « Répondre à la violence par la violence n’est pas la solution, on se doit de toujours la faire baisser. Seulement six coups de feu ont été tirés par la police japonaise [en 2015]. Pour calmer une personne violente ou ivre les policiers l’enroulent dans un futon pour la protéger le temps qu’elle se calme. ». Ainsi, dans une approche psychosociale, la police japonaise admet et comprend qu’une personne peut ne pas être momentanément dans un état normal (boisson, crise, énervement, dépression, folie,…). Impossible pour elle de se fournir en armes pour assouvir une quelconque pulsion de carnage. On pense d’abord, on tire après. À ce sujet, Iain Oberton renchérit : « Si les policiers dégainent au premier crime venu, alors on va dans une course aux armements entre la police et les criminels ».
De fait, si posséder une arme de poing peut mener en prison pour un à dix ans au Japon, sont tout de même autorisés les fusils de chasse sous condition strictes, en plus des répliques d’armes à air comprimé. On en compterait 300 000. Les rares à vouloir se procurer un fusil de chasse doivent se livrer à un véritable parcours administratif du combattant. Le candidat se doit d’avoir un casier judiciaire strictement vierge évidemment. Il doit se soumettre à une journée de formation, passer un examen écrit et pratique en réussissant 95% des tirs. La santé mentale est également évaluée, la consommation de drogue dépistée et des liens avec d’éventuels groupes extrémistes recherchés. Les proches et même les collègues de travail sont passés au crible. Et ces tests sont à repasser tous les trois ans ! Autant dire qu’un individu épris de folie meurtrière ne pourra pas se rendre au magasin du coin pour y acheter une arme létale de guerre, comme c’est le cas dans certains États américains.
« Dans une société pacifique, les gens ne voient pas l’intérêt de s’armer au risque d’ébranler cette paix. »
Une fois en possession d’une arme, des obligations tout aussi draconiennes s’imposent : celle-ci doit être conservée sous clé et séparée des munitions. La police contrôle l’arme chaque année et, en cas de manquement, elle peut la saisir et révoquer le permis de port. Pour se procurer des munitions chez un armurier (dont le nombre est fixé à trois par préfecture), le détenteur doit y ramener les cartouches usagées qu’il y avait précédemment achetées.
Moralité, cette politique porte si bien ses fruits qu’aucune réclamation d’assouplissement de ces règles strictes n’émane d’aucun bord, même à l’extrême droite conservatrice, confie Anthony Berteaux : « Cela provient du pacifisme qui s’est développé après la Seconde Guerre Mondiale dont les japonais ne veulent pas revivre les atrocités. Dans une société pacifique, les gens ne voient l’intérêt de s’armer au risque d’ébranler cette paix ». Alors qu’à l’autre bout du monde, Donald Trump a promis de revenir sur l’interdiction des armes dans certaines zones ou encore d’assouplir les contrôles pour les acheteurs, l’archipel nippon semble très loin de ces polémiques qui coutent pourtant chaque année la vie de milliers d’individus.
Par Stéphanie Barret
A lire sur japanization.org (03/10/2017)