03 Déc 2018
LE CERCLE/POINT DE VUE – Dix ans après la crise des subprimes, la finance ne dispose toujours pas d’une régulation holistique efficace et d’une approche consolidée des risques. Il faut encourager la bonne allocation du capital au niveau mondial.
La crise financière de la livre turque, qui a menacé de s’étendre aux pays émergents et au secteur bancaire européen, a rappelé la totale interdépendance du système financier mondial. Dix ans après la crise des subprimes, la finance, malgré des progrès importants, ne dispose toujours pas d’une régulation holistique efficace et d’une approche consolidée des risques.
Surtout, la dynamique de l’endettement souverain dans un nombre important de pays, les taux d’intérêt proches de zéro, les incertitudes sur la sortie du « QE » comme le développement des fonds vautours, spécialisés dans le rachat de dettes émises par des débiteurs en difficulté, et des fonds activistes qui spéculent sur les sociétés, créent une instabilité dommageable à la stabilisation de l’économie mondiale. L’incapacité à responsabiliser la finance entretient une instabilité structurelle et pourrait préfigurer une nouvelle crise de grande ampleur.
Actions spéculatives
A un niveau plus microéconomique, les entreprises sont touchées par l’arrivée, au capital, de fonds activistes qui jouent à la baisse sur les actions et spéculent sur la restructuration des actifs, à l’instar de Vivendi ou Danone. Au premier semestre 2018, 104 fonds activistes ont lancé 145 raids sur 136 entreprises à travers le monde avec un montant de capital engagé de 40 milliards de dollars.
Ces opérations se concentrent de manière croissante sur le terrain européen selon la dernière étude de la banque Lazard, notamment pour les fonds qui spéculent sur la baisse des actions en les vendant à crédit pour les racheter plus tard en réalisant un bénéfice. Ces fonds n’hésitent pas à financer des études biaisées, qui contribuent à la chute des cours, à influencer la presse avec des forums, voire à tromper les algorithmes sur Internet.
Les difficultés à contrer de telles actions spéculatives sont nombreuses, notamment l’incapacité intellectuelle à articuler un discours cohérent sur la refondation de la finance mondiale, sans toucher pour autant à la mondialisation et à la libéralisation des marchés. Pourtant, le rôle de la finance est simple : assurer le financement de la croissance, garantir la sécurité de l’épargne, payer une prime à la hauteur du risque pris par les investisseurs, permettre de gérer le temps, l’espace et les risques associés.
Or jusqu’à présent, les réformes ont été réalisées de manière fragmentée, sans développer de vision globale du système financier qui permette de relever les grands défis que sont notamment le développement durable et la lutte contre le changement climatique.
« Do good and do well »
A une période où les risques s’accumulent, il faudrait relancer une réflexion d’ensemble sur l’architecture mondiale de la supervision financière au sein du G20 dont le Financial Stability Board fête son dixième anniversaire.
Comment favoriser une bonne allocation du capital au niveau mondial ? On pourrait envisager en son sein une réflexion sur les obstacles au financement du long terme et du développement durable ou le voir travailler à la promotion du « do good and do well » (« faire bien et comme il faut », en français), afin que notamment les particuliers – épargnants retraités investisseurs – soient rassurés sur l’usage de leur épargne et que les investisseurs en général aient accès à un univers d’opportunités le plus vaste possible et se sentent encouragés à revoir leurs politiques.
C’est avec des mesures de responsabilisation, au-delà du « tout-réglementaire », que seront jugés les dirigeants des démocraties et les acteurs financiers alors que le populisme continue à se nourrir d’actions spéculatives qui révoltent les opinions publiques. Beaucoup a été discuté. Il y a plus encore à faire.
Par Bertrand Badre et Laurence Daziano (publié le 19/09/2018)
A lire sur le site Anti-K
La crise financière de la livre turque, qui a menacé de s’étendre aux pays émergents et au secteur bancaire européen, a rappelé la totale interdépendance du système financier mondial. Dix ans après la crise des subprimes, la finance, malgré des progrès importants, ne dispose toujours pas d’une régulation holistique efficace et d’une approche consolidée des risques.
Surtout, la dynamique de l’endettement souverain dans un nombre important de pays, les taux d’intérêt proches de zéro, les incertitudes sur la sortie du « QE » comme le développement des fonds vautours, spécialisés dans le rachat de dettes émises par des débiteurs en difficulté, et des fonds activistes qui spéculent sur les sociétés, créent une instabilité dommageable à la stabilisation de l’économie mondiale. L’incapacité à responsabiliser la finance entretient une instabilité structurelle et pourrait préfigurer une nouvelle crise de grande ampleur.
Actions spéculatives
A un niveau plus microéconomique, les entreprises sont touchées par l’arrivée, au capital, de fonds activistes qui jouent à la baisse sur les actions et spéculent sur la restructuration des actifs, à l’instar de Vivendi ou Danone. Au premier semestre 2018, 104 fonds activistes ont lancé 145 raids sur 136 entreprises à travers le monde avec un montant de capital engagé de 40 milliards de dollars.
Ces opérations se concentrent de manière croissante sur le terrain européen selon la dernière étude de la banque Lazard, notamment pour les fonds qui spéculent sur la baisse des actions en les vendant à crédit pour les racheter plus tard en réalisant un bénéfice. Ces fonds n’hésitent pas à financer des études biaisées, qui contribuent à la chute des cours, à influencer la presse avec des forums, voire à tromper les algorithmes sur Internet.
Les difficultés à contrer de telles actions spéculatives sont nombreuses, notamment l’incapacité intellectuelle à articuler un discours cohérent sur la refondation de la finance mondiale, sans toucher pour autant à la mondialisation et à la libéralisation des marchés. Pourtant, le rôle de la finance est simple : assurer le financement de la croissance, garantir la sécurité de l’épargne, payer une prime à la hauteur du risque pris par les investisseurs, permettre de gérer le temps, l’espace et les risques associés.
Or jusqu’à présent, les réformes ont été réalisées de manière fragmentée, sans développer de vision globale du système financier qui permette de relever les grands défis que sont notamment le développement durable et la lutte contre le changement climatique.
« Do good and do well »
A une période où les risques s’accumulent, il faudrait relancer une réflexion d’ensemble sur l’architecture mondiale de la supervision financière au sein du G20 dont le Financial Stability Board fête son dixième anniversaire.
Comment favoriser une bonne allocation du capital au niveau mondial ? On pourrait envisager en son sein une réflexion sur les obstacles au financement du long terme et du développement durable ou le voir travailler à la promotion du « do good and do well » (« faire bien et comme il faut », en français), afin que notamment les particuliers – épargnants retraités investisseurs – soient rassurés sur l’usage de leur épargne et que les investisseurs en général aient accès à un univers d’opportunités le plus vaste possible et se sentent encouragés à revoir leurs politiques.
C’est avec des mesures de responsabilisation, au-delà du « tout-réglementaire », que seront jugés les dirigeants des démocraties et les acteurs financiers alors que le populisme continue à se nourrir d’actions spéculatives qui révoltent les opinions publiques. Beaucoup a été discuté. Il y a plus encore à faire.
Par Bertrand Badre et Laurence Daziano (publié le 19/09/2018)
A lire sur le site Anti-K