19 Fév 2020
La réforme des retraites voulue par le gouvernement constitue un changement de système, avec le passage à un régime unique, fonctionnant par points, ce qui, par construction, ne donne aucune garantie sur le futur montant de la pension. Surdéterminant tout, il est prévu un plafonnement des dépenses de retraite à leur niveau actuel, soit 13,8% du produit intérieur brut. Alors que la proportion de retraité·es dans la population va augmenter, limiter la part de la richesse produite qui leur revient signifie programmer leur appauvrissement par rapport à la population active.
Cette nouvelle réforme représente une rupture par rapport aux précédentes du fait de la modification structurelle du système, mais elle se situe néanmoins dans la même logique qui vise à diminuer les dépenses publiques et ouvrir la voie à la retraite par capitalisation. Nous refusons ce projet. Le système de retraites actuel doit être amélioré (1) et il est possible de le faire en harmonisant par le haut les différents régimes à partir de principes communs que nous mettons ici en débat (2). Nous présentons ensuite différentes pistes pour financer ces améliorations (3).
Ce qui suit doit être considéré comme des éléments de débat susceptibles d’être améliorés, notamment dans la troisième partie sur le financement.
1- Nécessité d’améliorer le système actuel de retraites
Notre système de retraites permet d’assurer en moyenne un niveau de vie des retraité·es équivalent à celui de la population active, ce qui est loin d’être le cas dans les autres pays. La France est ainsi, derrière le Danemark, le pays où le taux de pauvreté des plus de 65 ans est le plus faible. Pourtant, d’une part, ce niveau de vie moyen masque de fortes disparités au sein de la population retraitée : en particulier, 37% des femmes et 15% des hommes perçoivent une pension inférieure à 1000 euros bruts (909 euros nets). L’espérance de vie à la retraite, et plus encore l’espérance de vie en bonne santé, diffèrent fortement selon les catégories professionnelles.
D’autre part, les retraites subissent une dégradation continue sous l’impact des réformes passées, avec un objectif de fond, conforme à la logique néolibérale, de diminution des dépenses publiques de retraite. Depuis 1993, toutes les réformes ont consisté à durcir les conditions pour l’obtention d’une pension à taux plein : allongement de la durée de cotisation nécessaire pour la pension à taux plein, indexation des pensions et des salaires pris en compte pour le calcul de la pension sur l’inflation et non plus sur les salaires, ce qui est bien moins favorable, instauration de la décote, recul de l’âge légal de départ, diminution des majorations de durées d’assurance attribuées au titre des enfants, etc. Le résultat est une baisse continuelle du taux de remplacement moyen (rapport entre la pension et le salaire), avec une hausse de l’âge moyen effectif de départ. Effectuer une carrière complète devient de plus en plus irréalisable compte tenu de l’entrée plus tardive des jeunes dans le premier emploi (allongement de la durée de la scolarité et de la phase d’insertion), de la situation de l’emploi, mais aussi de l’usure professionnelle qui survient pour de nombreuses personnes bien avant l’âge de la retraite. La durée requise sera ainsi de 43 annuités pour les personnes nées après 1973. Mais la génération née en 1974 n’a commencé à cotiser en moyenne qu’à 23,4 ans, et ne pourrait donc, au mieux, réunir une carrière complète qu’à 66 ans passés.
Il est donc nécessaire d’adopter des mesures pour corriger cette évolution. Or, le projet de système par points, à plus forte raison accompagné par un plafonnement de la part des dépenses de retraite dans la richesse produite, ne peut qu’aggraver encore la situation. Nous proposons les principes et les mesures suivantes pour refonder notre système de retraites.
2 – Des principes communs pour un droit universel à la retraite
Sous le vocable « d’universel », le gouvernement veut imposer un régime unique. Mais un tel régime n’est pas souhaitable si l’on veut prendre en compte, autant que faire se peut, les inégalités de carrière, les situations particulières liées à la pénibilité du travail qui aboutissent le plus souvent aux inégalités d’espérance de vie. L’équité, ce n’est pas traiter de la même façon des individus placés dans des situations professionnelles différentes. Si la retraite ne peut résoudre les inégalités produites par l’organisation du travail pendant la vie active, elle doit pouvoir les limiter en assurant une redistribution par des dispositifs de solidarité renforcés. Le projet néolibéral, dont la retraite par points est une illustration, vise à instaurer une logique purement contributive, c’est-à-dire que les pensions perçues par une personne pendant sa retraite se rapprochent au plus près de la somme actualisée des cotisations versées au cours de sa carrière. Une telle logique ne peut qu’aggraver les inégalités. C’est pourquoi nous la refusons.
Nous défendons à l’opposé une retraite qui garantisse à toutes et à tous un montant de pension permettant d’assurer une continuité de niveau de vie, une retraite prise assez tôt pour pouvoir en jouir en bonne santé, avec des mesures spécifiques pour lutter contre les inégalités et réduire l’impact des accidents de parcours.
Une organisation du système de retraite qui tienne compte des spécificités professionnelles
Contrairement aux salarié·es du privé qui ont souvent une carrière non linéaire ou hachée mais dont le calcul de la pension inclut les primes et indemnités, les fonctionnaires ont une carrière linéaire ascendante et le calcul de la pension s’effectue sur la base de la rémunération indiciaire des six derniers mois. Ces organisations différentes aboutissent néanmoins à des taux de remplacement équivalents entre les salarié·es du privé et les fonctionnaires. Nous proposons donc de maintenir le régime spécifique des fonctionnaires, le code des pensions et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) étant des éléments constitutifs de leur statut et donc garants de l’intérêt général.
Certains métiers et missions impliquent un traitement différencié du fait de leurs contraintes et de leur pénibilité, ce qui pourtant n’est pas encore reconnu pour certaines professions. De véritables critères de pénibilité doivent être mis en place au niveau national, être reconnus dans tous les secteurs et aboutir à leur prise en compte en matière de retraite, notamment par un départ anticipé.
L’existence des retraites complémentaires du secteur privé Arcco/Agirc tire son origine des déficiences de la retraite du régime général de la Sécurité sociale. Ces régimes, récemment fusionnés, fonctionnent par points et sans aucune visibilité sur le niveau de la pension. Il s’agit d’un régime à cotisations définies, fonctionnant selon une logique assurancielle qui vise à faire correspondre le plus possible le montant des cotisations versées à celui des pensions reçues, c’est-à-dire un renforcement de la contributivité. Une proposition serait de les fusionner avec le régime général de la Sécurité sociale en adoptant un fonctionnement sur la base des meilleures années de salaires.
Des garanties sur le montant de la pension
Les salarié·es doivent avoir une garantie sur leur niveau de vie lorsqu’ils partent en retraite. C’est pourquoi nous proposons de garantir un taux de remplacement moyen, rapport entre la pension et le salaire, de 75% pour une carrière complète. Ce taux doit être plus élevé pour les petites rémunérations, et notamment atteindre 100% au niveau du SMIC. Nous proposons de maintenir les six derniers mois pour les fonctionnaires et de revenir aux 10 meilleures années de salaire, au lieu des 25, pour calculer le montant de la pension comme avant 1993, ce nombre d’années pouvant même être réduit en proportion pour les carrières courtes de manière à éviter de les défavoriser.
Nous refusons la double pénalisation que subissent les carrières incomplètes du fait de la décote. Celle-ci est en effet particulièrement injuste puisqu’elle se superpose à la proratisation de la pension en fonction du nombre d’années travaillées. C’est d’ailleurs explicitement reconnu dans le rapport Delevoye. Nous proposons donc la suppression de la décote. Le minimum de pension doit être égal au SMIC net pour une carrière complète. Il faut enfin améliorer la situation des polypensionnés en proratisant le calcul de leurs pensions dans chacun des régimes dans le sens le plus favorable, notamment en proratisant le nombre d’années prises en compte pour les périodes d’assurance dans le régime général.
Pour garantir un partage équitable de la richesse produite entre actifs et retraité·es, les pensions doivent évoluer au même rythme que les salaires. Le minimum de pension doit évoluer comme le SMIC. Dans ce cadre, nous proposons aussi que les salaires portés au compte pour calculer le montant de la pension soient revalorisés comme le revenu moyen d’activité.
L’égalité entre les femmes et les hommes, un objectif et un outil
Aujourd’hui, les pensions de droit direct des femmes sont en moyenne inférieures de 42% à celles des hommes. Cette inégalité reflète mais aussi amplifie les inégalités professionnelles, du fait d’un mode de calcul de la pension qui défavorise les carrières courtes. Les mesures déjà citées, comme la réduction de la durée de carrière exigée, le retour aux 10 meilleures années et la suppression de la décote permettent de corriger en partie cette pénalisation des femmes… On peut aussi envisager une augmentation des pensions des femmes lors de leur départ pour compenser la part des inégalités salariales reconnues comme discriminatoires.
Les dispositifs de solidarité, en bénéficiant majoritairement aux femmes, sont essentiels pour réduire les inégalités de pension entre les sexes. Mais les droits familiaux liés aux enfants ne doivent pas enfermer les femmes dans le rôle de mère. Plutôt que renforcer ces droits complémentaires, nous proposons de renforcer les droits directs des femmes à une pension pour assurer à toutes les moyens d’une indépendance financière à tout âge. Ce qui suppose d’agir aussi en amont de la retraite.
Pour cela, il est possible de mener une politique volontariste en faveur de l’égalité des salaires entre femmes et hommes et de l’égalité des taux d’activité (celui des femmes est actuellement de 8 à 10 points inférieur à celui des hommes, pour des raisons liées au manque de modes d’accueil de la petite enfance et aux stéréotypes sur les rôles sexués). Les ressources en cotisations des régimes de retraite en seraient, de plus, sensiblement améliorées. Pourtant un taux d’activité plus élevé des femmes n’est jamais envisagé dans les projections sur la population active, qui figent quasiment la valeur actuelle (sauf pour les plus de 55ans). De nouvelles cotisantes signifient certes le moment venu de nouvelles pensions à verser, mais d’une part, il y a un décalage de 30 ou 40 ans entre les nouvelles recettes et les futures dépenses. D’autre part, les nouvelles pensions ne représentent pas des dépenses supplémentaires de protection sociale d’un même montant, car elles viennent en remplacement d’allocations sociales (RSA puis minimum vieillesse) dont ces femmes sans activité professionnelle auraient bénéficié.
Travailler plus ? Non, travailler moins !
L’objectif des politiques néolibérales est d’augmenter la durée du travail en retardant l’âge de départ en retraite. Or, non seulement la France est particulièrement mal placée en Europe pour l’espérance de vie sans incapacité, c’est-à-dire sans limitation dans les activités quotidiennes – l’écart étant de presque dix ans avec la Suède. De plus, selon la Drees1, « en 2015, 1,4 million de personnes âgées de 53 à 69 ans résidant en France métropolitaine, soit 11% des personnes de cette tranche d’âge, ne perçoivent ni revenu d’activité ni pension de retraite ». Il s’agit en majorité de femmes.
Est-ce que travailler plus longtemps est une solution acceptable alors que les conditions de travail se détériorent, que la souffrance au travail se développe et que de nouvelles pathologies apparaissent ? Est-ce que le sort des êtres humains est de travailler jusqu’à n’en plus pouvoir pour permettre que les dividendes versés aux actionnaires continuent leur croissance faramineuse ? Veut-on refaire de la retraite une simple antichambre de la mort ?
Il y a une hypocrisie à vouloir faire travailler les gens plus longtemps et tout départ en retraite tardif obère de façon non négligeable le temps dont les salarié·es disposent pour jouir réellement de leur retraite. Le fait de partir en retraite en bonne santé, donc assez tôt, et avec un niveau de vie qui ne s’effondre pas, n’est donc pas simplement une juste reconnaissance pour des personnes ayant travaillé toute leur vie, mais c’est aussi un bienfait pour la société dans son ensemble car les personnes retraitées sont de plus en plus investies dans des activités socialement utiles. Enfin, affirmer qu’il est nécessaire de travailler toujours plus et donc de produire plus, alors que la crise climatique impose de revoir d’urgence les finalités du travail et les modes de production, est totalement incohérent.
Pour ces raisons, nous proposons de revenir à un âge légal de départ à la retraite fixé à 60ans, avec des départ anticipés pour les professions qui en bénéficient aujourd’hui et en élargissant aux métiers qui ont les mêmes contraintes. L’allongement continuel de la durée de cotisation exigée pour une pension à taux plein étant de plus en plus irréalisable, il faut revenir à une durée réaliste, se rapprochant de la moyenne des carrières réalisées par les générations qui partent actuellement en retraite...
Publié le 30/01/2020
Lire la suite sur le site Entre les lignes entre les mots
Cette nouvelle réforme représente une rupture par rapport aux précédentes du fait de la modification structurelle du système, mais elle se situe néanmoins dans la même logique qui vise à diminuer les dépenses publiques et ouvrir la voie à la retraite par capitalisation. Nous refusons ce projet. Le système de retraites actuel doit être amélioré (1) et il est possible de le faire en harmonisant par le haut les différents régimes à partir de principes communs que nous mettons ici en débat (2). Nous présentons ensuite différentes pistes pour financer ces améliorations (3).
Ce qui suit doit être considéré comme des éléments de débat susceptibles d’être améliorés, notamment dans la troisième partie sur le financement.
1- Nécessité d’améliorer le système actuel de retraites
Notre système de retraites permet d’assurer en moyenne un niveau de vie des retraité·es équivalent à celui de la population active, ce qui est loin d’être le cas dans les autres pays. La France est ainsi, derrière le Danemark, le pays où le taux de pauvreté des plus de 65 ans est le plus faible. Pourtant, d’une part, ce niveau de vie moyen masque de fortes disparités au sein de la population retraitée : en particulier, 37% des femmes et 15% des hommes perçoivent une pension inférieure à 1000 euros bruts (909 euros nets). L’espérance de vie à la retraite, et plus encore l’espérance de vie en bonne santé, diffèrent fortement selon les catégories professionnelles.
D’autre part, les retraites subissent une dégradation continue sous l’impact des réformes passées, avec un objectif de fond, conforme à la logique néolibérale, de diminution des dépenses publiques de retraite. Depuis 1993, toutes les réformes ont consisté à durcir les conditions pour l’obtention d’une pension à taux plein : allongement de la durée de cotisation nécessaire pour la pension à taux plein, indexation des pensions et des salaires pris en compte pour le calcul de la pension sur l’inflation et non plus sur les salaires, ce qui est bien moins favorable, instauration de la décote, recul de l’âge légal de départ, diminution des majorations de durées d’assurance attribuées au titre des enfants, etc. Le résultat est une baisse continuelle du taux de remplacement moyen (rapport entre la pension et le salaire), avec une hausse de l’âge moyen effectif de départ. Effectuer une carrière complète devient de plus en plus irréalisable compte tenu de l’entrée plus tardive des jeunes dans le premier emploi (allongement de la durée de la scolarité et de la phase d’insertion), de la situation de l’emploi, mais aussi de l’usure professionnelle qui survient pour de nombreuses personnes bien avant l’âge de la retraite. La durée requise sera ainsi de 43 annuités pour les personnes nées après 1973. Mais la génération née en 1974 n’a commencé à cotiser en moyenne qu’à 23,4 ans, et ne pourrait donc, au mieux, réunir une carrière complète qu’à 66 ans passés.
Il est donc nécessaire d’adopter des mesures pour corriger cette évolution. Or, le projet de système par points, à plus forte raison accompagné par un plafonnement de la part des dépenses de retraite dans la richesse produite, ne peut qu’aggraver encore la situation. Nous proposons les principes et les mesures suivantes pour refonder notre système de retraites.
2 – Des principes communs pour un droit universel à la retraite
Sous le vocable « d’universel », le gouvernement veut imposer un régime unique. Mais un tel régime n’est pas souhaitable si l’on veut prendre en compte, autant que faire se peut, les inégalités de carrière, les situations particulières liées à la pénibilité du travail qui aboutissent le plus souvent aux inégalités d’espérance de vie. L’équité, ce n’est pas traiter de la même façon des individus placés dans des situations professionnelles différentes. Si la retraite ne peut résoudre les inégalités produites par l’organisation du travail pendant la vie active, elle doit pouvoir les limiter en assurant une redistribution par des dispositifs de solidarité renforcés. Le projet néolibéral, dont la retraite par points est une illustration, vise à instaurer une logique purement contributive, c’est-à-dire que les pensions perçues par une personne pendant sa retraite se rapprochent au plus près de la somme actualisée des cotisations versées au cours de sa carrière. Une telle logique ne peut qu’aggraver les inégalités. C’est pourquoi nous la refusons.
Nous défendons à l’opposé une retraite qui garantisse à toutes et à tous un montant de pension permettant d’assurer une continuité de niveau de vie, une retraite prise assez tôt pour pouvoir en jouir en bonne santé, avec des mesures spécifiques pour lutter contre les inégalités et réduire l’impact des accidents de parcours.
Une organisation du système de retraite qui tienne compte des spécificités professionnelles
Contrairement aux salarié·es du privé qui ont souvent une carrière non linéaire ou hachée mais dont le calcul de la pension inclut les primes et indemnités, les fonctionnaires ont une carrière linéaire ascendante et le calcul de la pension s’effectue sur la base de la rémunération indiciaire des six derniers mois. Ces organisations différentes aboutissent néanmoins à des taux de remplacement équivalents entre les salarié·es du privé et les fonctionnaires. Nous proposons donc de maintenir le régime spécifique des fonctionnaires, le code des pensions et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) étant des éléments constitutifs de leur statut et donc garants de l’intérêt général.
Certains métiers et missions impliquent un traitement différencié du fait de leurs contraintes et de leur pénibilité, ce qui pourtant n’est pas encore reconnu pour certaines professions. De véritables critères de pénibilité doivent être mis en place au niveau national, être reconnus dans tous les secteurs et aboutir à leur prise en compte en matière de retraite, notamment par un départ anticipé.
L’existence des retraites complémentaires du secteur privé Arcco/Agirc tire son origine des déficiences de la retraite du régime général de la Sécurité sociale. Ces régimes, récemment fusionnés, fonctionnent par points et sans aucune visibilité sur le niveau de la pension. Il s’agit d’un régime à cotisations définies, fonctionnant selon une logique assurancielle qui vise à faire correspondre le plus possible le montant des cotisations versées à celui des pensions reçues, c’est-à-dire un renforcement de la contributivité. Une proposition serait de les fusionner avec le régime général de la Sécurité sociale en adoptant un fonctionnement sur la base des meilleures années de salaires.
Des garanties sur le montant de la pension
Les salarié·es doivent avoir une garantie sur leur niveau de vie lorsqu’ils partent en retraite. C’est pourquoi nous proposons de garantir un taux de remplacement moyen, rapport entre la pension et le salaire, de 75% pour une carrière complète. Ce taux doit être plus élevé pour les petites rémunérations, et notamment atteindre 100% au niveau du SMIC. Nous proposons de maintenir les six derniers mois pour les fonctionnaires et de revenir aux 10 meilleures années de salaire, au lieu des 25, pour calculer le montant de la pension comme avant 1993, ce nombre d’années pouvant même être réduit en proportion pour les carrières courtes de manière à éviter de les défavoriser.
Nous refusons la double pénalisation que subissent les carrières incomplètes du fait de la décote. Celle-ci est en effet particulièrement injuste puisqu’elle se superpose à la proratisation de la pension en fonction du nombre d’années travaillées. C’est d’ailleurs explicitement reconnu dans le rapport Delevoye. Nous proposons donc la suppression de la décote. Le minimum de pension doit être égal au SMIC net pour une carrière complète. Il faut enfin améliorer la situation des polypensionnés en proratisant le calcul de leurs pensions dans chacun des régimes dans le sens le plus favorable, notamment en proratisant le nombre d’années prises en compte pour les périodes d’assurance dans le régime général.
Pour garantir un partage équitable de la richesse produite entre actifs et retraité·es, les pensions doivent évoluer au même rythme que les salaires. Le minimum de pension doit évoluer comme le SMIC. Dans ce cadre, nous proposons aussi que les salaires portés au compte pour calculer le montant de la pension soient revalorisés comme le revenu moyen d’activité.
L’égalité entre les femmes et les hommes, un objectif et un outil
Aujourd’hui, les pensions de droit direct des femmes sont en moyenne inférieures de 42% à celles des hommes. Cette inégalité reflète mais aussi amplifie les inégalités professionnelles, du fait d’un mode de calcul de la pension qui défavorise les carrières courtes. Les mesures déjà citées, comme la réduction de la durée de carrière exigée, le retour aux 10 meilleures années et la suppression de la décote permettent de corriger en partie cette pénalisation des femmes… On peut aussi envisager une augmentation des pensions des femmes lors de leur départ pour compenser la part des inégalités salariales reconnues comme discriminatoires.
Les dispositifs de solidarité, en bénéficiant majoritairement aux femmes, sont essentiels pour réduire les inégalités de pension entre les sexes. Mais les droits familiaux liés aux enfants ne doivent pas enfermer les femmes dans le rôle de mère. Plutôt que renforcer ces droits complémentaires, nous proposons de renforcer les droits directs des femmes à une pension pour assurer à toutes les moyens d’une indépendance financière à tout âge. Ce qui suppose d’agir aussi en amont de la retraite.
Pour cela, il est possible de mener une politique volontariste en faveur de l’égalité des salaires entre femmes et hommes et de l’égalité des taux d’activité (celui des femmes est actuellement de 8 à 10 points inférieur à celui des hommes, pour des raisons liées au manque de modes d’accueil de la petite enfance et aux stéréotypes sur les rôles sexués). Les ressources en cotisations des régimes de retraite en seraient, de plus, sensiblement améliorées. Pourtant un taux d’activité plus élevé des femmes n’est jamais envisagé dans les projections sur la population active, qui figent quasiment la valeur actuelle (sauf pour les plus de 55ans). De nouvelles cotisantes signifient certes le moment venu de nouvelles pensions à verser, mais d’une part, il y a un décalage de 30 ou 40 ans entre les nouvelles recettes et les futures dépenses. D’autre part, les nouvelles pensions ne représentent pas des dépenses supplémentaires de protection sociale d’un même montant, car elles viennent en remplacement d’allocations sociales (RSA puis minimum vieillesse) dont ces femmes sans activité professionnelle auraient bénéficié.
Travailler plus ? Non, travailler moins !
L’objectif des politiques néolibérales est d’augmenter la durée du travail en retardant l’âge de départ en retraite. Or, non seulement la France est particulièrement mal placée en Europe pour l’espérance de vie sans incapacité, c’est-à-dire sans limitation dans les activités quotidiennes – l’écart étant de presque dix ans avec la Suède. De plus, selon la Drees1, « en 2015, 1,4 million de personnes âgées de 53 à 69 ans résidant en France métropolitaine, soit 11% des personnes de cette tranche d’âge, ne perçoivent ni revenu d’activité ni pension de retraite ». Il s’agit en majorité de femmes.
Est-ce que travailler plus longtemps est une solution acceptable alors que les conditions de travail se détériorent, que la souffrance au travail se développe et que de nouvelles pathologies apparaissent ? Est-ce que le sort des êtres humains est de travailler jusqu’à n’en plus pouvoir pour permettre que les dividendes versés aux actionnaires continuent leur croissance faramineuse ? Veut-on refaire de la retraite une simple antichambre de la mort ?
Il y a une hypocrisie à vouloir faire travailler les gens plus longtemps et tout départ en retraite tardif obère de façon non négligeable le temps dont les salarié·es disposent pour jouir réellement de leur retraite. Le fait de partir en retraite en bonne santé, donc assez tôt, et avec un niveau de vie qui ne s’effondre pas, n’est donc pas simplement une juste reconnaissance pour des personnes ayant travaillé toute leur vie, mais c’est aussi un bienfait pour la société dans son ensemble car les personnes retraitées sont de plus en plus investies dans des activités socialement utiles. Enfin, affirmer qu’il est nécessaire de travailler toujours plus et donc de produire plus, alors que la crise climatique impose de revoir d’urgence les finalités du travail et les modes de production, est totalement incohérent.
Pour ces raisons, nous proposons de revenir à un âge légal de départ à la retraite fixé à 60ans, avec des départ anticipés pour les professions qui en bénéficient aujourd’hui et en élargissant aux métiers qui ont les mêmes contraintes. L’allongement continuel de la durée de cotisation exigée pour une pension à taux plein étant de plus en plus irréalisable, il faut revenir à une durée réaliste, se rapprochant de la moyenne des carrières réalisées par les générations qui partent actuellement en retraite...
Publié le 30/01/2020
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